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Le robin des bois, courageux, gentleman, qui manie l’humour et l’ironie, le voleur des riches est un grand classique du cinéma. Mais là où l’on l’a laissé dans l’épisode précédent, c’est-à-dire à l’extrême fin du XVIe siècle, Robin Hood est encore loin d’être tout cela. Mais alors comment est-il devenu cet archétype de bandit au grand cœur qu’on connaît toutes et tous ?
															Robin des bois aux 17e et 18e siècles
Les broadsides du XVIIe siècle
Passons rapidement sur le XVIIe siècle qui n’apporte pas de changement majeur dans la légende de Robin des bois si ce n’est la création de nouveaux textes dont les fameux broadsides dont j’ai parlés dans l’épisode précédent, ces feuilles volantes imprimées sur du mauvais papier, qui diffusent largement les ballades de Robin des bois et dans lesquelles on trouve de nouveaux personnages comme le ménestrel Alan-A-Dale par exemple. On peut même trouver Robin dans Shakespeare, c’est vous dire s’il est populaire! D’ailleurs, à cette époque, on a tendance à qualifier de « Robin des bois » les insurgés de tout bord. Enfin, ce sont surtout les classes dominantes qui utilisent ce sobriquet pour disqualifier les dits insurgés…
											Robin des bois au XVIIIe siècle: la publication de Joseph Ritson
Mais passons, c’est plutôt le XVIIIe siècle qui nous intéresse. La popularité de Robin est définitivement assise, à tel point qu’à Londres naît la Robin Hood Society, une société populaire où petits bourgeois et commerçants viennent notamment débattre de politique autour d’une chopine.
Côté littérature, les éditions populaires se multiplient, mais il y en a une particulièrement, qui va avoir une énorme influence sur les écrivains du XIXe siècle : c’est celle de Joseph Ritson. En 1795, c’est-a-dire à la toute fin du siècle, il publie la première étude érudite des sources de Robin de bois. Dans cette édition exhaustive, il reprend les 38 ballades connues et la geste médiévale pour en faire un récit continu. Ritson était persuadé que Robin avait vraiment existé, à tel point qu’il va écrire une « vie de Robin des bois » en guise de préface, avec une généalogie complètement imaginaire qui fait remonter Robin à l’époque des Normands.
Parlons des Normands justement et faisons un petit rappel historique : au XIe siècle, Guillaume, dit le bâtard (celui qu’on appellera par la suite Guillaume le Conquérant) est duc de Normandie et, à la faveur d’une crise de succession en Angleterre, envahit le territoire où vivent alors les Saxons. Après la bataille d’Hastings en 1066 dont il sort victorieux, il devient roi d’Angleterre et les Normands remplacent peu à peu les Saxons aux postes-clés du royaume. Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que Ritson va être l’un des premiers à désigner les Normands comme adversaires : Il introduit cette idée sans trop insister mais, on le verra plus loin, c’est une théorie qui va faire long feu et être très largement reprise.
Mais ce n’est pas tout. Joseph Ritson est aussi un grand partisan de la Révolution française et ça se sent dans son édition des ballades de Robin des bois. Il est bien embêté que Robin ait été transformé en aristo, ça ne l’arrange pas! Lui, il préfère voir en Robin des bois un héros subversif et radical, un symbole de lutte contre le passé. Et c’est Ritson qui va très largement transformer Robin en bandit au grand cœur qui vole aux riches pour donner aux pauvres. Vous voyez, ça fait plus de 600 ans que Robin des bois existe, mais ça fait seulement 200 ans qu’il vole les riches, c’est tout récent !
Toutes ces nouvelles idées autour de Robin des bois vont être très largement reprises grâce à l’immense succès du livre de Ritson qui sera réédité tout au long du XIX siècle dans un contexte qui, vous allez le voir, est fort propice.
											Le 19e siècle: Walter Scott et la merry England
Le mythe de la Merry England et le Gothic Revival
Le XIXe siècle, c’est LE siècle de la redécouverte du Moyen Âge, d’un point de vue érudit tout d’abord mais pas seulement, loin de là. C’est le siècle du médiévalisme. 
Le médiévalisme est une forme de goût pour la période médiévale avec des représentations du Moyen Âge adaptées aux préoccupations de l’époque dans laquelle elles sont créées. Cette perception est donc déformée selon les envies ou les peurs des gens de l’époque.
Le médiévalisme est très prégnant au XIXe siècle, des deux côtés de la Manche, avec, en France, par exemple, le roman de Victor Hugo « Notre Dame de Paris », pour ne citer que cet exemple. En Angleterre, le médiévalisme est notamment retranscrit à travers le mouvement du Gothic revival qui s’exprime dans tous les domaines : le mobilier, les tissus, la décoration d’intérieur et bien sûr la peinture, à travers le mouvement très populaire des Préraphaélites dont le style et les sujets traités auront une très grande influence sur le cinéma. 
Dans l’Angleterre du XIXe siècle, qui n’a connu ni Révolution, ni lutte entre l’État et l’Église, comme en France, la référence au Moyen Âge sert à affirmer une identité nationale notamment dans le cadre des conflits avec la France de Napoléon.
On parle aussi de médiévalisme victorien qui se veut être une réaction aux contraintes de la nouvelle société industrielle. Dans ce Moyen Âge fantasmé, il n’y a pas de conflit entre l’homme et la nature (comme avec l’industrie justement), les hommes respectent un code d’honneur, ils sont courageux, fidèles, capables d’action héroïques etc. C’est un univers complètement fantasmé qui provoque une sorte de retour à un idéal chevaleresque et qui va donner naissance à la notion de Merry England, l’Angleterre joyeuse, tous comme les compagnons de Robin des bois sont devenus des Merry Men, des joyeux compagnons.
Bien évidemment, dans ce retour au Moyen Âge, on convoque la tradition littéraire médiévale et on remet en avant les grands héros des temps jadis comme le roi Arthur ou Robin des bois.
Et les derniers détails de la légende de notre Robin Hood vont être gravés dans le marbre à la faveur de cette période toute particulière qu’on appelle le romantisme grâce à un roman qui va marquer définitivement les esprits.
											Le tournant de l'histoire de Robin des bois: "Ivanhoé" de Walter Scott
Ivanhoé, le chevalier remplaçant de Robin Hood
Ce roman, c’est Ivanhoé de Walter Scott. Walter Scott n’est pas anglais mais écossais et décide, dans les premières décennies du XIXe siècle, de se tourner vers l’histoire anglaise pour élargir son public. Il va donc utiliser la légende de Robin des bois pour écrire son roman, Ivanhoé, paru en 1819, est un livre qui va lancer la mode du roman historique. 
La particularité de ce livre c’est qu’il reprend la légende de Robin des bois, sans faire de Robin des bois le héros de l’aventure. L’histoire se déroule au XIIe siècle, sous le règne de Richard Cœur de Lion alors que celui-ci est prisonnier sur le continent, du moins le croit-on. On est habitués à ce contexte historique mais, en fait, c’est la popularité du roman de Walter Scott qui va définitivement ancrer la période de l’emprisonnement de Richard comme contexte politique aux aventures de Robin des bois. Ça, c’est la première chose. La seconde chose c’est que Scott a retiré un certains nombre d’éléments de la légende de Robin Hood pour les offrir à un personnage de chevalier, le personnage d’Ivanhoé. Ivanhoé est le fils de Cédric, un noble saxon. Cédric est fâché contre son fils parce que celui-ci veut épouser Lady Rowena, la pupille dudit Cédric qui, lui, veut la marier à un autre noble saxon. Ivanhoé est donc parti noyer sa peine en Palestine en participant à la troisième croisade sous le commandement de Richard Cœur de Lion.
Voilà pour le résumé rapide.
											Ce qui est surprenant dans ce livre, c’est que le héros Ivanhoé n’est quasiment jamais présent ou, quand il l’est, on ne le sait pas d’emblée. C’est un héros complètement absent. Peut-être parce que ce n’est pas lui le héros. Pour moi, le vrai héros de ce livre, c’est le roi Richard, qui y est présent de bout en bout – attention spoiler – sous les traits d’un mystérieux chevalier. Le roman de Walter Scott est une ode à Richard Cœur de Lion, montré comme courageux, téméraire, juste comme le veut le code chevaleresque médiéval fantasmé du XIXe siècle, opposé à l’infâme prince Jean, montré colérique, cruel, lâche et versatile. Vous l’avez compris, la version très manichéenne des deux frères Plantagenêt qu’on retrouve notamment dans les films, c’est aussi à Walter Scott qu’on la doit. 
Et Robin des bois alors ? Eh bien Robin est bien présent dans le roman, où il est nommé Locksley, un nom qui va, à partir de là, lui coller à la peau. Il est à la tête d’une bande de yeomen qui font la loi dans la forêt de Sherwood et qui vont aider Ivanhoé et le roi Richard. Il est montré comme un chef courageux et juste. Petit Jean est absent mais Frère Tuck est là, même si ce nom n’est donné qu’à la fin du roman. Pendant plus des trois quarts du livre de Scott, frère Tuck est appelé l’ermite de Copmanhurst. 
Mais pourquoi avoir voulu camoufler – fort maladroitement d’ailleurs – la légende de Robin ? Pourquoi Walter Scott n’a t-il pas directement repris cette légende, si populaire, pour en faire un roman ? Pour des questions politiques.
											Passions amoureuses et visées politiques chez Walter Scott
En écrivant Ivanhoé, Walter Scott choisit d’utiliser les récits populaires de Robin Hood. Pour cela, il utilise le travail de Joseph Ritson, dont on a parlé juste avant. D’ailleurs, les deux hommes se connaissaient très bien. Mais autant Ritson est subversif, autant Scott est conservateur, anti-révolutionnaire et grand défenseur de la monarchie donc hors de question pour lui de glorifier Robin des bois qui représente, certes, le peuple fidèle et loyal mais beaucoup trop capable de dérives. Lui qui est écossais, il est bien placé pour savoir comment la figure de Robin des bois est utilisée dans son pays lors d’émeutes notamment. Non, Scott, lui, il veut glorifier l’ordre souverain conservateur et, pour ça, il va créer le personnage d’Ivanhoé qui est, contrairement à Robin des bois, un vrai chevalier paré de toutes les vertus. Scott fait donc de Robin des bois un personnage secondaire qui va servir son propos conservateur, un personnage secondaire qui ne l’est pas tant que ça puisque le roman ne développe quasiment jamais l’arc narratif du personnage principal. 
L’un des thèmes développés par le roman de Walter Scott est la passion amoureuse – quoi de plus normal pour un roman de chevalerie me direz-vous – et cet aspect-là a également été retiré à Robin pour être offert à Ivanhoé. En effet, Marianne n’existe pas dans le roman de Walter Scott, elle a été transformé en lady Rowena et l’idylle quasi impossible du roman mais dont l’amour finit par triompher est celle d’Ivanhoé et de Rowena. 
Mais bon, je vous l’ai dit, malgré tout, Robin des bois est quand même un personnage très important du roman, bien plus qu’Ivanhoé sous beaucoup d’aspects et Walter Scott met en place, dans ce livre, tous les clichés concernant notre archer anglais qui seront par la suite réutilisés en littérature et au cinéma.
											Déjà, le fameux petit chapeau de feutre avec la plume, c’est à Walter Scott qu’on le doit. Exit le capuchon qui est pourtant le nom-même de Robin Hood, comme on l’a vu dans l’épisode précédent : le chapeau à la plume est le signe distinctif des yeomen chez Scott et le restera par la suite. Il y a aussi la scène de ripailles sous le grand chêne de la forêt de Sherwood, qui se fait en compagnie du roi Richard chez Scott, et qui va devenir LA scène incontournable des films pour montrer la camaraderie des yeomen qui sont donc devenus des merry men dans cette scène qui, elle-même est devenue un emblème de la merry England. C’est aussi à Walter Scott qu’on doit le tournoi d’archers avec cette scène culte de la flèche de Robin des bois qui coupe littéralement en deux celle de son rival ou bien encore la figure du roi Richard qui revient en Angleterre sous les traits d’un chevalier mystérieux. 
Pour être franche avec vous, la lecture d’Ivanhoé m’a un peu ennuyée mais je crois que c’est notamment parce que j’ai trouvé que ce livre était bourré de clichés sauf qu’en fait, ces clichés, c’est Walter Scott qui les a inventés. Son roman a été un immense succès dès sa publication et a été traduit immédiatement en France. Ivanhoé a un véritable caractère fondateur : il recrée la tradition littéraire du chevalier de roman bien avant qu’on ne redécouvre les textes médiévaux mettant en scène la chevalerie. Le roman de Walter Scott devient tellement célèbre qu’on envisage rapidement de l’adapter pour la jeunesse. Il faut dire que les histoires médiévales ont le vent en poupe au XIXe siècle, notamment parce que les maisons d’éditions catholiques peuvent les utiliser avec un propos militant à travers le récit des croisades. C’est de cette manière qu’Ivanhoé est adapté pour les enfants en 1850.
Mais revenons au roman lui-même : il y a un élément d’Ivanhoé que j’ai juste évoqué mais qui est central dans le roman de Scott. Ivanhoé est le fils de Cédric le saxon lui-même fils d’Hereward the Wake, un fameux rebelle saxon que j’ai évoqué dans l’épisode précédent. En choisissant des héros saxons, Walter Scott va reprendre les idées introduites par Ritson avant lui, à savoir une très forte rivalité entre Saxons et Normands, une rivalité qu’il va gonfler au mépris de la réalité historique.
											Naissance du nationalisme dans la légende de Robin des bois: le mythe du joug normand et du héros saxon
Revenons à Joseph Ritson, qui, comme je vous le disais, a été le premier a laissé entendre que la légende de Robin des bois a pris corps sur fond de guerre entre Saxons et Normands. Selon cette théorie, les Normands, après avoir conquis l’Angleterre saxonne, ont introduit un système féodal à leur bénéfice exclusif. Ritson qui utilise cette théorie pour contextualiser Robin des bois, n’en est cependant pas l’inventeur puisqu’elle court depuis un bon moment quand il la reprend : elle a pris de l’ampleur au XVIIe siècle où on parle d’écrasement des libertés saxonnes. Ritson, cependant, ne dit jamais que Robin est saxon. Au contraire, il en fait un descendant d’une nièce de Guillaume le Conquérant, un normand donc. Mais, ce faisant, il a ouvert la porte à une réinterprétation politique, voire nationaliste, de Robin des bois, dans laquelle s’est très largement engouffré Walter Scott qui a littéralement racialisé la situation. Oui au XIXe siècle, on parlait de race saxonne et de race normande, comme pour les vaches.
Dans Ivanhoé, Walter Scott a volontairement exagéré cette théorie en opposant les Normands exploiteurs et les Saxons exploités. Ça revient sans cesse, notamment à travers le personnage de Cédric le Saxon qui cherche à restaurer la splendeur de la monarchie saxonne d’antan. Ivanhoé fait office de personnage médiateur puisque c’est un saxon fidèle au roi Richard, qui est normand. Et Robin dans tout ça ? Clairement Robin Hood, de par son nom, ne peut être saxon. Toutefois, il y a un flou dans le roman sur ce sujet, ce qui donnera naissance par la suite à plein de Robins des bois saxons.
											C’est notamment le cas dans L’histoire de la conquête d’Angleterre paru en 1825 (6 ans après Ivanhoé) et écrit par Augustin Thierry, un historien français de la première moitié du XIXe siècle. C’est un des premiers historiens à s’appuyer sur des sources originales mais avec une légère tendance à romancer quand même. Et pour Augustin Thierry, Robin des bois serait le dernier représentant d’une succession de rebelles saxons et notamment un descendant du fameux Hereward the Wake, encore lui. Et selon l’historien, les exploits de Robin des bois, présenté comme le héros des serfs et des pauvres saxons, auraient donné naissance à des ballades populaires qui nous auraient transmis cette idée de guerre permanente entre Saxons et Normands.
Par la suite, dans les années 1860-1900, Robin devient l’incarnation des vertus nationales du peuple anglo-saxon, ce qui permet aux anglais d’affirmer leur identité nationale notamment vis-à-vis de la France, l’ennemi héréditaire. Et cette idée va continuer son petit bonhomme de chemin pendant le XXe siècle, y compris en France à travers des personnages influents comme le philosophe Michel Foucault, qui reprend Augustin Thierry et qui considère que les récits qui se transmettent sur Robin sont des récits saxons très anciens qui ont été utilisés à partir du XVIIe siècle pour coder les oppositions sociales en termes d’opposition raciale : en gros on utilise cette opposition Normands/Saxons pour parler des oppositions sociales contemporaines.
Le problème dans tout ça, c’est que nos chercheurs contemporains sont assez clairs là-dessus : les ballades médiévales de Robin des bois n’ont aucun caractère saxon, mais plutôt des caractéristiques stylistiques françaises, vous vous en souvenez on en avait parlé dans l’épisode précédent. Et Si Walter Scott dit, dans Ivanhoé, que quatre générations n’ont pas suffi à mêler le sang des Saxons et des Normands, la réalité est sensiblement différente. Alors évidemment, on ne peut pas considérer que l’invasion des Normands se soit bien passée pour les Saxons, c’est un fait : une invasion, c’est une guerre. Mais au moment de ce que l’on appelle le règne des rois angevins, Henry II puis Richard Cœur de Lion, les conflits entre Saxons et Normands se sont éteints depuis longtemps, et les populations se sont mélangées. Les ennemis de Robin sont des oppresseurs à divers titres (sheriff, abbé, etc.) et si les lois forestières transgressées par Robin sont effectivement des lois normandes, ce n’est pas parce qu’elles sont normandes qu’il s’y oppose, mais parce qu’elles sont injustes.
En tous cas, je trouve cette théorie du joug normand sur la population saxonne à la fin du XIIe siècle très intéressante parce qu’elle nous rappelle que des gens parfois tout à fait crédibles comme des historiens ou des philosophes peuvent, volontairement ou à leur corps défendant, diffuser des idées complètement fausses qui deviennent par la suite de véritables clichés.
											Tennyson, Peacock, Egan, Dumas et les autres
Mais reprenons notre fil chronologique. Le roman de Walter Scott va, on l’a vu, très rapidement se diffuser et inspirer d’autres écrivains du XIXe siècle, dans un contexte d’éveil des nationalismes et de l’après-Révolution française. N’oublions pas que le médiévalisme est aussi une façon pour les auteurs de tendre un miroir à leurs contemporains, miroir déformant certes, mais miroir quand même. 
C’est dans ce cadre qu’est paru le roman Maid Marian de Thomas L Peacock en 1822, trois ans après Ivanhoé même s’il a été écrit avant le roman de Scott. C’est le tout premier roman à choisir Robin des bois comme personnage principal et l’auteur l’utilise pour livrer une satire politique des oppressions contemporaines : en effet, derrière les Normands de son roman, Thomas L. Peacock vise en fait les Tories de son époque, les ancêtres du parti conservateur anglais. C’est aussi la première fois que la romance entre Robin et Marianne est au centre de l’intrigue. D’autres grands écrivains se sont également frottés à la légende de Robin des bois, avec toujours une dimension nationaliste très présente comme John Keats en 1880 ou encore Alfred Tennyson en 1892 avec sa pièce The foresters, une pièce très victorienne donc très chaste dans laquelle Marianne continue de se rapprocher d’un idéal féminin, une sorte de sainte Vierge dont la pureté n’est jamais remise en cause. On en avait déjà parlé pour le XVIe siècle dans l’épisode précédent mais c’est définitivement un aspect qui va coller à la peau du personnage de Marianne. 
En 1840 paraît le premier roman sur Robin des bois adapté aux enfants. Il s’agit de Robin Hood and Little John (« Robin des bois et petit Jean ») de Pierce Egan. Dans ce roman publié en feuilleton, on aborde pour la première fois l’enfance présumée de Robin. Ici, on le voit nourrisson, abandonné à la porte de la maison d’un garde forestier. Robin est un garçon issu d’une noble lignée mais escamoté par un cousin qui veut s’approprier ses terres. Il est donc confié à un couple de forestiers qui l’adopte. Mais, de fait, dans cette histoire, Robin perd une partie de son côté subversif puisque la révolte contre l’ordre établi devient une lutte personnelle.
											Le roman de Pierce Egan va avoir beaucoup de succès, une renommée qui va traverser la Manche puisqu’il aurait très largement inspiré Alexandre Dumas. J’utilise ici le conditionnel parce qu’il semble qu’il plane un doute sur la paternité de Dumas sur les deux ouvrages qui sont aujourd’hui édités sous son nom : Le prince des voleurs et Robin Hood le proscrit qui auraient été publiés à titre posthume en 1872 et 1873. Et il s’inspire tellement de Pierce Egan qu’on le soupçonne même de plagiat. Et pour avoir lu le premier de ces deux romans, je peux vous dire qu’effectivement, c’est quasiment la même histoire sur fond de guerre entre Normands et Saxons. Dans le deuxième livre, il aborde la mort de Marianne et celle de Robin. Ces textes, s’ils sont bien de la main de Dumas, sont en tous cas les moins connus.
Donc en fait on voit que le XIXe siècle a apporté des éléments nouveaux importants dans la construction de la légende de Robin des bois, d’une part par le biais d’Ivanhoé et d’autre part par l’adaptation des aventures de Robin pour les enfants. Et ces deux éléments vont être déterminants à l’aube du XXe siècle.
											Robin des bois au 20e siècle: du roman au cinéma
Avant le cinéma, la littérature pour enfants: la version d'Howard Pyle
Avant de parler de Robin au cinéma, il nous manque un dernier jalon essentiel de son histoire et ce jalon se trouve aux États-Unis. En 1883 paraît The merry adventures of Robin Hood, un roman pour enfants de l’américain Howard Pyle, illustré par ses soins et qui reprend les ballades médiévales en les édulcorant, évidemment. Cette adaptation va avoir un succès retentissant, à tel point qu’elle va très largement influencer le cinéma par la suite, avec des scènes ou des détails qui vont devenir des classiques. Par exemple dans ses illustrations, Howard Pyle représente Robin coiffé du fameux chapeau avec la plume qu’on a rencontré chez Walter Scott. On a ici la version à peu près définitive de Robin des bois. Dans son roman, Il fait combattre Robin et Petit Jean au bâton sur une passerelle, combat qui se termine par la chute des deux personnages dans l’eau et une poignée de main amicale ; Robin gagne une flèche d’or à un tournoi d’archers, on a le banquet dans la forêt, Frère Tuck qui porte Robin pour lui faire traverser la rivière, Robin qui guide Richard déguisé en voyageur, un combat singulier entre Robin et Guy de Guisbourne, la reconnaissance et le pardon du roi, des scènes qui seront très largement reprises au cinéma. 
Howard Pyle adapte Robin au public des États-Unis : les hors-là-lois se comportent comme des héros de l’Ouest américain et le langage des personnages est emprunté aux Quakers. Pyle met la dimension sociale de la légende au second plan et promeut, à travers son texte, la vie au grand air que les garçons vivent entre eux, sans fille. 
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’Howard Pyle destinait son livre aux petits garçons étasuniens qui souhaitaient échapper à la domesticité et la maison (visiblement, les petites filles, elles, devaient s’en contenter mais en fait, ça montre surtout le cloisonnement des sexes dans les États-Unis de l’époque). Il décrit une vie sans autorité, en plein air, un peu comme un camp de vacances : la forêt permet une parenthèse sociale où les jeunes garçons inventent leurs propres règles.
											En cela le texte de Pyle évoque beaucoup le scoutisme, mis en place un peu plus tard par Baden Powell dans l’empire britannique et qui va avoir une immense influence au début du XXe siècle. Il faut dire que l’univers médiéval colle parfaitement à l’univers du scoutisme, notamment à travers la figure du chevalier qui est une sorte de modèle physique et moral. D’ailleurs, en 1917 sortira un court métrage de 40 minutes qui reprend cette vision : The Knights of the square table (« Les chevaliers de la table carrée ») qui montre des scouts dans un camp en forêt, qui organisent des épreuves de survie, s’entraînent à la lutte, font des cabanes et des veillées autour du feu en chansons, un univers qui sera fortement repris dans beaucoup de longs métrages sur Robin des bois. Après tout, on peut considérer la vie de Robin dans la forêt comme une sorte de camp de vacance auquel le retour de Richard met fin. Pour la petite histoire, dans la même veine, la psychanalyse va aussi s’emparer du phénomène et comparer Robin à l’enfant qui attend le retour de son vrai père. Dans un ordre d’idée, cette vision grandissante des bienfaits de la vie en communauté des garçons, puis, dans les films, des hommes amènera aussi, beaucoup plus tard, à considérer Robin comme un personnage gay.
En tous cas, le Robin des bois d’Howard Pyle va contribuer à élargir un peu plus le public qui devient de plus en plus populaire et il va connaître un succès tel qu’Hollywood va finir par se pencher sur le cas du bandit de Sherwood.
											Les premières adaptations au cinéma: le film avec Burbanks en 1922
Très rapidement, au début du XXe siècle, Robin des bois est adapté au cinéma avec des créations destinées aux couches moyennes de la population. Tout d’abord en 1912, avec un film inspiré d’une comédie musicale jouée en 1890 à Londres sous le titre de Maid Marian et qui se focalise sur un triangle amoureux entre Robin, Marianne et Guy de Guisbourne. En 1913 sort In the days of Robin Hood,un film directement inspiré par le roman de Howard Pyles. 
Mais la reconnaissance de Robin des bois passe aussi, comme en littérature, par Ivanhoé, le livre de Walter Scott qui va être adapté une première fois en 1913 par Herbert Brenon. Mais c’est surtout la version de 1952 qui est connue avec Robert Taylor et Élisabeth Taylor et c’est vrai que le film de 1913 ne montre Robin que dans une seule séquence mais une séquence-clé de ce film qui plus romanesque que nationaliste. 
C’est en 1922 que Robin des bois devient un personnage majeur du cinéma avec le film américain d’Alan Dwan, intitulé tout simplement Robin Hood.
C’est une véritable superproduction pour l’époque et également le tout premier film à avoir bénéficier d’une première à Hollywood. Il marque l’appropriation définitive du héros anglais par les États-Unis et aussi l’arrêt des productions anglaises sur les sujets médiévaux. Le rôle principal est tenu par Douglas Fairbanks, qui a déjà interprété à l’époque Zorro et D’Artagnan et qui a supervisé tous les aspects du film, notamment le scénario et la production. 
Ce scénario reprend les noms des personnages des pièces de théâtre d’Anthony Munday (celles du XVIe siècle), en les modifiant légèrement. Robin n’est plus le comte de Huntington mais Huntingdon et le patronyme de Marianne n’est plus Fitzwater mais Fitzwalter.
											Le scénario divise le film en deux partie. La première est en fait une sorte de long prologue dans laquelle il est montré pourquoi et comment le comte de Huntingdon est devenu Robin des bois et la seconde se focalise sur l’histoire de Robin en tant que hors-la-loi. Vêtu de son joli collant (on y est!) et de son chapeau à plume, Robin est entouré de frère Tuck, de William Scarlett, Alan-A-Dale et Petit Jean qui est en fait son écuyer depuis le début du film. 
Il y a pas mal de chose à dire sur ce film. Déjà, il est relativement beau, surtout sa première partie avec des châteaux en trompe l’œil, des décors grandioses, des costumes certes inexacts mais vraiment très beaux qui nous plongent vraiment dans une atmosphère pseudo médiévale.
Mention spéciale à la coupe au carré avec frange qu’ont tous les personnages masculins. Je me moque mais c’est visuellement un beau film. N’hésitez pas à aller y jeter un coup d’œil il est passé dans le domaine public. Il propose aussi un code couleur. Toute la première partie et plus généralement toutes les scènes qui se passent en intérieur, dans les châteaux ou en ville sont un peu marron ocre et toutes les scènes de Sherwood sont colorisées en vert. Et, à la fin du film, quand l’outlaw et le pouvoir sont réconciliés, les scènes sont en bleu.
											Si les noms des personnages sont repris d’Anthony Munday, Walter Scott n’est cependant pas bien loin. Dans la scène de tournoi au début, Marianne est la reine de beauté qui doit remettre le prix au vainqueur de la joute, une scène qu’on peut trouver dans Ivanhoé dans laquelle c’était Lady Rowena qui tenait ce titre. De même le film reste dans les traces de l’écrivain écossais avec sa présentation très manichéenne de Richard et Jean tandis qu’on voit très peu le sheriff de Nottingham. Le roi Richard  rejoint les outlaws en tant que chevalier inconnu, comme chez Scott. Par contre, point de Normands ou de Saxons ici, c’est avant tout une histoire de fidélité et de trahison. Pas de critique non plus de l’Église, montrée comme victime du prince Jean (oui, on est États-Unis, ne l’oublions pas). A la vision « camp scout » d’Howard Pyle, le film le côté bondissant, virevoltant, sautillant de Robin en compagnie des hors-la –loi qui sont ici vraiment des merry men, des hommes joyeux qui courent partout, mangent et s’amusent. Ce n’est pas un hasard puisque les illustrations de Pyle ont inspiré le réalisateur Alan Dwan. Le combat au bâton entre Petit Jean et Robin est transféré à Frère Tuck et au mystérieux chevalier qui n’est autre que Richard. Enfin, dans une très courte scène, on voit également le petit village de Locksley. 
On a donc différents éléments qui sont pris tantôt à la geste médiévale, tantôt aux créations théâtrales anglaises du XVIe siècle, tantôt à la littérature que ce soit celle des États-Unis ou celle du vieux continent. Et cette façon de faire, en picorant par ci par là des scènes ou des détails, va devenir une habitude au cinéma. Les différentes évolutions littéraires de Robin des bois ont en quelque sorte créé un réservoir à histoires, à personnages, à intrigues, dans lequel les futurs auteurs et réalisateurs vont piocher pour les assembler et donner naissance à de nouvelles histoires sur la même trame initiale. 
En tous cas le film d’Alan Dwan avec Fairbanks va poser un jalon important dans l’histoire de Robin des bois au cinéma avec un film qui ne recherche aucunement l’exactitude historique, c’est revendiqué dans l’un des premiers cartons du film où il est écrit « on vous offre une impression de Moyen Âge », donc une atmosphère empreinte de médiévalisme dans laquelle est mise en scène notamment une histoire d’amour qui va devenir un standard avec un rôle de plus en plus important de Marianne. Avec ce film de 1922, Robin de bois devient une figure de la culture de masse qui va littéralement devenir un archétype en 1938.
											Le tournant cinématographique de Robin des bois: Errol Flynn en 1938
Un jalon essentiel de l'histoire de Robin des bois au cinéma
Cet archétype c’est le film de Michael Curtiz qui va le mettre en place. Intitulé Les aventures de Robin des bois et produit par la Warner, c’est le premier film sur Robin des bois en Technicolor. Nous sommes donc en 1938, c’est le triomphe de la vocation universelle du cinéma des États-Unis qui, à cette époque, pioche allègrement dans les cultures du monde entier, y compris dans celle de la vieille Europe. 
Ici, c’est le virevoltant Errol Flynn qui interprète Robin des bois dans un film qui, contrairement à celui de 1922, outre qu’il n’est pas muet, reprend quelques éléments historiques réels ou pas d’ailleurs, comme la problématique de la guerre anachronique entre Saxons et Normands.
Dès le début du film, Robin, qui se nomme Robin de Locksley, est déjà Robin des bois et met déjà la misère au Prince Jean dans les bois de Sherwood. On y trouve Guy de Gisbourne qui, dans la version française, allez savoir pourquoi, s’appelle Charles, un homme sûr de lui contrairement au sherrif de Notthingham, un homme pas très courageux. Il en est même d’ailleurs presque sympathique. Autour de Robin, il y a bien sûr Petit Jean et Frère Tuck, qui se nomme frère Estoc en français parce qu’il se bat à l’épée et non pas au bâton comme habituellement. Will Scarlett est là aussi mais son personnage a sans doute fusionné avec le ménestrel Alan A Dale si on considère que Will, dans le film, est une sorte d’Apollon blond très propre sur lui qui se balade avec sa mandoline. Mais ça aussi, c’est quelque chose qu’on retrouvera souvent par la suite. Et enfin, n’oublions pas Much, le fils du meunier qui a un rôle relativement important. 
La particularité du film de Michael Curtiz, c’est qu’il déroule toutes les scènes les plus iconiques des ballades médiévales, d’Ivanhoé et du roman d’Howard Pyle, c’est-à-dire les jalons essentiels de la transformation du personnage de Robin des bois à travers les siècles : le film concentre en quelque sorte la substantifique moelle de Robin des bois et du médiévalisme en quelques scènes seulement.
											"The adventures of Robin Hood" de Michael Curtiz: un condensé de scènes iconiques
Une de ces scènes iconiques prend place à la capture de Guisbourne, Marianne et du sherriff de Nottingham par Robin et ses compagnons. C’est la fameuse scène de ripailles dans les bois, un festin en plein air. Les merry men dansent sous le soleil, non sans avoir auparavant piquer les vêtements de Guisbourne et du Sherrif et les avoir grimer avec des costumes en lambeaux et des couronnes de fleurs. D’ailleurs, ce n’est pas sans rappeler certaines coutumes de la fameuse fête de May day et les Robin Hood games dont j’ai parlé dans l’épisode précédent mais je ne sais pas si l’allusion est volontaire ou non. Toujours est-il que Marianne, je ne l’ai pas précisé, ne voit pas franchement Robin d’un bon œil au début. Elle commence toutefois à changer d’avis lorsqu’il lui montre les pauvres gens qui sont dans la misère du fait du prince Jean et qu’elle comprend que les hors-la-loi sont du côté de Richard Cœur de Lion dont elle est la pupille. La scène du banquet en plein air, où Robin oblige les gens fortunés à partager sa table, est un des passages célèbres de la geste médiévale, une scène incontournable de la légende. La scène du banquet des outlaws, véritable cliché médiévaliste, sera, à partir de ce film de 1938, un passage obligé dans les films suivants sur Robin des bois. 
Autre scène-cliché, le tournoi d’archers, thème emprunté à Ivanhoé de Walter Scott. Sauf que là, le tournoi dont la récompense est une flèche d’or, est un piège pour capturer Robin. Et on retrouve évidemment la scène déjà culte de la flèche coupée en deux.
Autre élément devenu culte grâce à Walter Scott, c’est le retour incognito de Richard qui, ici, finit par se faire connaître de Robin des bois quand il comprend qu’il est son allié, puis de son frère Jean avant, évidemment, une scène de baston générale et un final qui montre Richard sous son meilleur jour.
											Il y a plein d’autres petites scènes empruntées à droite à gauche : on voit le recrutement de Petit Jean par Robin après le fameux combat au bâton au-dessus de la rivière, emprunté à Howard Pyle de même que Robin qui oblige Frère Tuck à le porter sur son dos pour traverser la rivière. On note aussi le siège du château piqué à Ivanhoé, le grand chêne de la forêt de Sherwood évidemment et on a même le motif de l’ecclésiastique détroussé typique des ballades médiévales même si le sujet est survolé pour préserver les spectateurs des États-Unis forts croyants. Il ne manque qu’une évocation des pièces d’Anthony Munday du XVIe siècle pour compléter le tableau, et c’est chose faite avec Marianne dont le nom de famille est ici Fitzwater. C’est exactement ce dont je vous ai parlé juste avant avec le film d’Alan Dwan : le fait de picorer dans les différentes sources liées à Robin des bois pour en prendre des épisodes qu’on met bout à bout. La différence ici, c’est qu’on a un condensé des scènes cultes de la légende. On retrouve aussi ce côté enfantin façon colonie de vacances du roman d’Howard Pyle chez les hors-la-loi qui se balancent au bout de lianes et préparent des pièges dans la forêt sur fond de musique joyeuse. Tout est dédramatisé et vécu sur le mode ludique.
											Un hommage à Alan Dwann et Douglas Fairbanks
Et, en fait, c’est un film relativement joyeux, Errol Flynn est toujours souriant et détendu, sûr de lui, une attitude qui va coller à la peau du personnage Robin des bois à partir de ce film, tout comme le costume. Oui, parlons un peu du costume : dans les éditions pour enfants, avant 1938, Robin des bois est souvent vêtu de rouge, couleur du danger, de la transgression dont Robin est l’image, et de la violence parfois légitime. Mais c’est aussi une couleur qui permet de le démarquer des autres héros, tout simplement. Errol Flynn, dans le film de Michael Curtiz est presque habillé entièrement de vert : il a les fameux collants verts tout à fait anachroniques, un pourpoint vert, une cape verte et le fameux petit chapeau fiché d’une plume. Cette version vous est sans doute familière, c’est l’archétype de Robin des bois et cet archétype c’est au film de 1938 qu’on le doit, parce qu’à partir de là, il va y avoir un glissement du costume de Robin vers le vert avec d’abord une bichromie rouge/vert qu’on retrouve d’ailleurs à un moment donné dans le film. Ce glissement s’explique tout d’abord par le succès du film mais aussi par le fait que Robin a de moins en moins besoin de se démarquer puisqu’il est extrêmement connu après ce film. Il va devenir ainsi cette espèce de hors-la-loi sylvestre un peu enfantin grâce au film de Michael Curtiz et surtout à l’interprétation d’Errol Flynn qui impose un personnage empreint d’une noblesse naturelle qui use d’une courtoisie teintée d’ironie et qui traverse les épreuves avec une forme d’insouciance.
Mais ce film c’est aussi un hommage à celui d’Alan Dwan avec Douglas Fairbanks : même séquençage en épisode, on retrouve certains types de scènes comme le serment des compagnons dans la forêt, les flèches qui viennent se planter devant les ennemis pendant leur conversation, l’entrée de Robin par effraction dans le château et le duel entre Robin et Guisbourne dans le chemin de ronde et les escaliers. On a même parfois les mêmes acteurs : par exemple, Alan Hale a joué Petit Jean dans les deux films.
Curtiz reprend le même genre de décors gigantesques qu’Alan Dwan et notamment un escalier monumental en spirale autour d’un énorme pilier très caractéristique et visible dans les deux films. Enfin, Errol Flynn se veut un successeur de Douglas Fairbanks et joue clairement sur son répertoire.
											Robin des bois: une figure anti nazi?
Mais il y a aussi l’autre face de ce film, son contexte particulier. Rappelez-vous, le médiévalisme sert à tendre un miroir à sa propre époque. On est ici en plein dans les années 30 : les États-Unis sont en crise, une crise qui crée une faiblesse économique dont souffre beaucoup de gens. Le film de Curtiz propose une vision communautaire en lien avec ce contexte économique… mais pas que. Rappelons qu’en 1933, en Europe, Hitler est arrivé au pouvoir. En 1935, le représentant de la Warner, qui a produit ce film, est assassiné à Berlin. Les frères Warner étaient juifs et Michael Curtiz était un hongrois réfugié. Quant à Erich Korngold, à qui on doit la musique du film de 1938 à la sonorité viennoise décalée et très critiquée mais récompensée par un oscar, c’est un émigré autrichien antinazi. Il est donc tout à fait possible d’avoir une lecture politique de ce film, que ce soit à travers l’utilisation du thème des Saxons envahis par les Normands ou à travers des éléments visuels comme l’alignement bien linéaire des Normands qui n’est pas sans rappeler les rassemblements nazis.
											Olivia de Havilland: une Marianne moderne
Pour terminer sur ce film, je voudrais dire un petit mot sur le personnage de Marianne, interprété par Olivia de Havilland qui est relativement actif dans ce film. Déjà, loin d’être directement acquise à la cause de Robin, on la voit progressivement découvrir l’engagement du proscrit puis tomber amoureuse de lui, on a d’ailleurs une très jolie scène qui rappelle assez celle du balcon dans Roméo et Juliette. Et surtout Marianne prend des décisions et agit de son propre chef, elle n’est pas du tout passive : elle prend l’initiative de rechercher les hors-la-loi quand Robin est arrêté et c’est elle qui a l’idée d’un plan pour le libérer. Elle choisit de ne pas le suivre dans la forêt pour pouvoir être ses yeux et ses oreilles au château et participer à sa cause. Lorsqu’elle découvre le projet d’assassinat de Richard par le prince Jean, elle est arrêtée et jugée mais ne se rétracte pas
Une version relativement moderne de Marianne finalement.
Bref, je pense que vous l’avez compris, Les aventures de Robin des bois de Curtiz marque un tournant dans la légende du héros de Sherwood, tant sur le fond, que sur la forme et devient le classique des classiques dont les futurs films vont se réclamer ou chercher à se détacher.
											Robin des bois dans les années 50 et 60: le retour en Grande-Bretagne
Robin Hood and his merrie men en 1952
L’après seconde guerre mondiale marque le retour de Robin des bois sur le sol anglais, un retour qui va contribuer à la résurrection du cinéma britannique des années 40 car Robin des bois qui résiste au Prince Jean participe à la fierté nationale du peuple britannique qui a résisté un peu seul à l’Allemagne nazie. 
C’est dans ce contexte qu’est sorti The story of Robin Hood and his merrie men, réalisé en 1952 par Ken Annakin. 
Ce film, bien que dirigé par un anglais et tourné en Angleterre, est produit par les studios Disney. En effet, après le succès du film L’île au trésor en 1950, Disney décide de produire systématiquement des adaptations du patrimoine littéraire anglais, en tout cas quand il s’agit de films avec des acteurs. Annakin a souhaité se détacher du film de Curtiz, il s’inspire donc beaucoup, en plus des ballades médiévales, des pièces d’Anthony Munday, du XVIe siècle, une source un peu délaissée dans le film avec Errol Flynn et il a opté pour une histoire où Robin n’est pas noble mais fils d’un garde-chasse, un choix scénaristique qui va avoir un certain succès. Le conflit social est transformé en vengeance personnelle quand Robin refuse d’entrer au service du nouveau Sherrif et que ce dernier fait assassiner le père du héros. Le reste de l’histoire est celle devenue habituelle et on retrouve quelques-unes des scènes incontournables comme la rencontre entre Robin et Petit Jean, Robin sur les épaules de frère Tuck, le tournoi d’archers etc. À noter que Richard Todd, qui interprète Robin, s’est également bien détaché du film de Curtiz : à l’opposé d’Errol Flynn, dynamique et bravache, il se montre calme et posé.
La consigne étant de faire du Disney, le film diffuse une idéologie quand même relativement bien pensante (Marianne et Robin sont promis l’un à l’autre depuis le début), il nous propose des petits intermèdes burlesques avec Frère Tuck entre deux scènes dramatiques et surtout se clôt avec un final de conte de fées dans lequel Robin est adoubé des mains de Richard Cœur de Lion et devient Robin de Locksley.
Le film de Disney est en tout cas la dernière « somme », c’est-à-dire le dernier film de son époque qui raconte toute l’histoire du héros : les films des deux décennies suivantes vont se concentrer sur des épisodes ou prendre un autre format.
											Robin des bois à la télévision
Eh oui, Robin des bois va, bien entendu, comme toute légende, être adapté plusieurs fois en série télévisée, que ce soit aux États-Unis ou en Europe.
On peut citer à ce titre, la série télévisée britannique The adventures of Robin Hood avec Richard Greene dans le rôle-titre, qui joue un Robin plutôt sage. Même si cette série a assez mal vieilli, ça reste un des plus gros succès télé du début des années 50 avec de multiples rediffusions qui vont lui apporter une renommée internationale. Pour la petite histoire, le succès de cette série a été tel que son générique est devenu l’hymne du club de foot de Nottingham.
En bref, Robin fait un retour tonitruant dans son pays, avant d’enchaîner une tournée pas forcément triomphale dans les pays d’Europe.
											Robin des bois chez les Latins
Robin des bois spaghettis: les films italiens sur Robin des bois
Des années 50 aux années 70, on va voir apparaître pléthore de films sur Robin des bois de toutes nationalités et qui surtout étirent parfois tellement le sujet que ça ne ressemble même plus vraiment à Robin des bois. Citons par exemple tout une sous-série de films qui exploitent le filon d’éventuels enfants de Robin des bois 20 ans plus tard. Par exemple La revanche des Gueux de 1950, Le fils de Robin des bois en 1946 ou bien Robin des Bois Don Juan en 1958 (les traductions des titres de films en français c’est toujours un poème). Dans ce dernier film, l’enfant de Robin est une fille, Derring Hood, qui convainc les anciens compagnons de son père de prendre part à sa cause. On pourrait imaginer un tournant féministe mais le chevalier servant de la demoiselle lui vole bien évidemment la vedette, parce qu’il faut une épaule masculine sur laquelle s’appuyer…
Bon, surtout, après la seconde Guerre Mondiale, la production des Robin des bois s’est déplacée dans le sud de l’Europe. Il existe notamment deux Robins des bois espagnols et on a plein de ce qu’on pourrait appeler des Robins des bois spaghettis, c’est-à-à dire la production d’un certain nombre de films en Italie qui s’éloignent de plus en plus du genre et qui proposent un récit de plus en plus désancré : les intrigues se déroulent dans un pays indéterminé à une époque féodale mal située. Et des fois ça va très très loin comme dans Robin des Bois et les pirates, une production italienne dans laquelle Robin est capturé avec Richard au retour des croisades par des pirates qu’ils finissent par rallier à leur cause. Je vous rassure, ce n’est pas le pire : il existe une production dans le style des films de karaté et même un film érotique allemand! C’est également à cette époque qu’apparaît la toute première parodie, en l’occurrence une parodie du film de Michael Curtiz, celui avec Errol Flynn, sous le nom de The Court Jester.
											Robin des bois a eu moins de succès dans les pays germaniques et pour cause, ils ont déjà leur propre figure héroïque locale, Guillaume Tell, une figure qui n’a cependant pas pu devenir un mythe de cinéma, notamment parce que Robin de bois prenait toute la place. Pour l’anecdote, sachez qu’en 1953 s’est tourné un film italo-américain sur Guillaume Tell qui était interprété par Errol Flynn lui-même, qui cherchait à un faire un comeback malheureusement raté puisque le film ne verra jamais le jour. 
Trois ans plus tôt est sorti La flèche et le flambeau de Jacques Tourneur qui conjuguait la tradition épique hollywoodienne et la fantaisie italienne. Sur un scénario librement dérivé de Walter Scott avec une opposition entre Lombards et Germains cette fois-ci, Burt Lancaster interprète un personnage à mi-chemin entre Guillaume Tell et Robin des bois, dans un costume à la Errol Flynn et dans les décors du film où a joué Errol Flynn.
											Robin des bois de l'autre côté de la Manche: le cas français
Vous allez me dire, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Suisse ok, mais et la France ? Le cinéma français a bien boudé le héros anglais. Même les romans d’Alexandre Dumas n’ont pas poussé les scénaristes à s’emparer du sujet. Mais pourquoi donc ? 
Déjà, rappelons que Robin est royaliste, par essence, bien loin de l’idéal républicain français. En France, on aime bien faire remonter la légende du pays à la Révolution. Les États-Unis ne sont pas plus royalistes mais Richard Cœur de Lion apparaît comme une forme de continuité de l’État qui va très bien avec les valeurs outre-Atlantique. D’ailleurs les productions étasuniennes sur Robin des bois ont du succès en France, peut-être parce les révoltés y sont écoutés par un pourvoir bienveillant. En tous cas, ce n’est pas suffisant pour que la France s’empare du sujet. 
Non, en France, on s’est fait plutôt une spécialité des films de cape et d’épée, avec plusieurs figures de bandits légendaires comme Cartouche par exemple, qui a eu droit à trois films entre 1934 et 1961. Les héros de film de cape et d’épée empruntent beaucoup de traits à Robin des bois quand même, même s’ils sont beaucoup plus individualistes et beaucoup plus coureurs de jupons. Comme en Grande-Bretagne, la télé a pris la suite du cinéma, la production la plus marquante étant le feuilleton de l’ORTF Thierry la Fronde diffusé entre 1963 et 1966. On y retrouve un univers médiéval mais légèrement décalé dans le temps puisque l’intrigue se déroule pendant la guerre de 100 ans à la fin du Moyen Âge dans un cadre narratif proche de celui de Robin des bois mais où la fronde remplace l’arc, peut-être parce que l’arc faisait trop anglais.
Mais au final, on a un peu notre Robin des bois local nous aussi : c’est Astérix ! Astérix vit dans un pays occupé, son village se retrouve régulièrement délogé dans la forêt, ça ripaille à tout va dans une ambiance communautaire, et la Gaule romaine ressemble fort à l’Angleterre du Prince Jean. Robin des bois ou Astérix, même combat : ce sont deux héros fondateurs de qualités nationales mis en scène dans un passé mythifié.
											Les années 70 et 80: la renaissance du mythe hollywoodien de Robin des bois
Le dessin animé de Disney en 1973
Avançons un peu dans le temps, jusqu’aux années 70 et 80. 
1973 marque le retour de Robin des bois sur le grand écran, dans une grande production, du côté des États-Unis, et vous connaissez toutes et tous cette production : c’est le dessin animé de Disney. Réalisé par Wolfgang Reitherman, il s’agit en fait d’un vieux projet des studios Disney qui dès les années 30, ont envisagé d’adapter le Roman de Renart, un ensemble de texte médiévaux. 
Le projet ne se fera pas, le Roman de Renart n’étant pas du tout adapté aux enfants, mais il sera transfusé dans le dessin animé Robin des bois puisque, ça ne vous aura pas échappé, tous les personnages y sont des animaux. Le problème c’est que, si Robin des bois est plus adaptable au monde des enfants, il n’en reste pas moins que montrer un voleur comme un modèle pour la jeunesse ça va à l’encontre de la morale Disney. Du coup, la légende va être sérieusement édulcorée, le personnage va être réécrit pour être du côté du bien avec des valeurs morales profondes, en réaction aussi au film de 1938 avec Errol Flynn qui était très politique. On glisse, avec ce dessin animé, vers le conte traditionnel dont Disney est, par contre spécialiste. En parlant de spécialistes, ceux qui connaissent bien le mythe de Robin des bois ont tendance à considérer que ce dessin animé déplace beaucoup trop la légende dans l’infantile avec un symbolisme considéré trop universel. Mais bon, on ne va pas se mentir, ça aussi c’est une spécialité de Disney. 
Si le dessin animé est, entre autres, une réaction au film avec Errol Flynn, il lui pique quand même beaucoup de choses, notamment la récompense de la flèche d’or au tournoi qui est une reprise évidente et parfois littérale mais la référence est aussi visuelle : les cibles du tournoi dans le dessin animé sont très exactement les mêmes que celles du film de 1938, Robin a bien évidemment la tenue devenue iconique d’Errol Flynn mais lorsqu’il est déguisé en échassier pour le tournoi d’archer, il porte le même chapeau qu’Errol Flynn, lui-même déguisé pour ce même tournoi. Vu que Disney trouvait le film avec Errol Flynn trop social et politique, on peut légitimement se demander si ces reprises sont un hommage ou juste de la flemme. Je vous dis ça parce qu’il est connu que les dessinateurs de l’époque ont repris des séquences d’autres dessins animés pour Robin des bois : par exemple quand Marianne danse et bat des mains, ce sont les dessins de Blanche-Neige qui sont repris et pour la scène de danse entre Petit Jean et Dame Gertrude, ce sont les dessins de la danse de Baloo et Louis du Livre de la jungle qui ont été repris littéralement.
											Évidemment le dessin animé de Disney reprend toutes les scènes de la légende devenues clichés : le tournoi donc, la scène de ripailles dans le bois de Sherwood et même la scène de combat entre petit Jean et Robin sur le tronc d’arbre au-dessus de la rivière, qui n’existe pas en tant que telle mais sous la forme d’un clin d’œil dans l’introduction du dessin-animé.
Et pour l’anecdote, pour finir, je ne résiste pas au plaisir de vous dire un petit mot sur Persifleur, mon personnage préféré. Persifleur, le serpent conseiller du Prince Jean qui le maltraite tout le long du film, doublé par l’excellent Roger Carel, un habitué des doublages Disney puisqu’il était aussi le doubleur de Winnie l’ourson, Porcinet, Coco lapin, le chat d’Alice au pays des merveilles et qu’il a également doublé des personnages dans Le livre de la jungle, Les aristochats, La belle aux bois dormants, Les 101 dalmatiens, Bernard et Bianca etc.
											La rose et la flèche en 1976
Les années 70 marquent aussi le renouvellement du mythe avec le film de Richard Leister en 1976, intitulé Robin and Marian en anglais et toujours aussi étrangement traduit en français par La rose et la flèche. L’affiche est prestigieuse avec Sean Connery dans le rôle de Robin des bois et Audrey Hepburn dans celui de Marianne. 
L’originalité de ce film réside dans le fait qu’il montre des héros vieillissants même si, pour cela, le scénariste a quelque peu maltraité la chronologie historique.
Le pich : après la mort de Richard, devenu un brin despote et ivrogne, Robin retourne en Angleterre avec son toujours fidèle ami petit Jean. 20 ans ont passé et comme le prince Jean est devenu le roi et que le sheriff de Nottingham est toujours en place, Robin repart à Sherwood où il retrouve ses anciens compagnons qui lui apprennent qu’il est devenu une légende.
Ce qui est intéressant dans ce film, c’est le rapport constant des personnages avec leur âge. Robin chope mal au dos à dormir par terre dans la forêt de Sherwood, on est loin des duels à l’épée dynamiques et bondissants des autres films, ici les armes sont lourdes, tout comme les corps. Les héros sont un peu au bout du rouleau!
D’un point de vue de la légende, exit les scènes mythiques des autres films dont on a parlé mais il y a tout de même une référence appuyée à la geste médiévale. En effet, dans La rose et la Flèche, il est question de l’abbesse de Kirklees. Vous vous souvenez, je vous en ai parlé dans l’épisode précédent, c’est elle qui empoisonne Robin. Sauf qu’ici, l’abbesse de Kirklees, c’est Marianne.
											Au sujet de Marianne, il faut quand même noter que, même si elle occupe une place beaucoup plus importante que dans les autres films, on est quand même sur un condensé de clichés sexistes, beaucoup plus, à mon sens, que dans le film de 1938. Je me suis demandée si c’était volontaire et si ça venait de la façon dont on voulait montrer ces fameux héros vieillissants mais au final, je pense que ça vient tout simplement de l’époque du film. Marian est devenue religieuse parce que Robin s’est barré vingt ans auparavant sans dire sans un mot. Et quand il revient:
Robin: « Enfin, je reviens chez nous Marianne, les guerres sont finies et me voici!
Marianne: « Tu t’adresses à la mère Jeannette. Tu peux retourner à Jérusalem. »
Robin: « Tu es fâchée? »
Marianne: « Non puisque je n’ai pas pensé à toi depuis 20 ans. »
Robin: « Oh, fais-moi un petit sourire, invite moi à entrer »
Lorsqu’elle a des soucis avec le shériff, Robin la kidnappe contre son gré.
Un outlaw: « Robin, des cavaliers! »
Robin: « Attend ici. »
Marianne: « C’est ma vie Robin! »
Robin: « Tu es une petit dinde. »
On appréciera.
Sans compter des dialogues parfois 100% male gaze:
Marianne: « Robin, sois méchant. Fais-moi pleurer. »
Quant à la fin, je vous avoue qu’elle m’a laissée perplexe. Je vous la livre ici, ce n’est pas vraiment un spoiler : Marian étant l’abbesse de Kirklees, vous vous doutez que, comme dans la geste médiévale, elle empoisonne Robin, mais en lui faisant une déclaration d’amour passionnée. Définitivement, sur cette question de la relation homme /femme, le film a très mal vieilli! 
Il montre toutefois une vision du mythe nouvelle au cinéma. Les décors ont été soignés et sont historiquement à peu près raccord avec l’époque, notamment le prieuré de Kirklees qui est en bois, chose qu’on voit assez rarement au cinéma. Il est fait mention des innocents tués en masse par Richard pendant la croisade, la croisade qui perd ici ce côté exceptionnel. 
Un film à voir donc, ne serait-ce que pour ce côté tout à fait décalé.
											Robin des bois au cinéma dans les années 90: "Le prince des voleurs"
 En 1985, le succès du film Excalibur remet une pièce dans la machine médiévaliste et relance l’intérêt des cinéastes pour Robin des bois, notamment dans les années 90 avec plusieurs films. Parmi ceux-ci il y a bien évidemment Le prince des voleurs de Kevin Reynolds en 1991 avec son mega casting : Kevin Costner, Alan Rickman, Mary Elizabeth Mastrantonio, Morgan Freeman ou encore Christian Slater et un petit peu de Sean Connery. Je ne vous ferai pas l’affront de reprendre l’histoire, je suis sûre que vous avez toutes et tous vu cette version, voyons tout de suite ce qu’on peut en dire. 
Déjà on retrouve le schéma narratif traditionnel avec des scène cultes comme le combat avec petit jean, les ripailles sous un grand chêne, les pièges dans la forêt, les cabanes dans les arbres très « camp de vacances » ou encore la flèche coupée en deux. On retrouve aussi le motif de la vengeance personnelle puisque Robin veut venger son père tué par le sheriff et ses hommes. 
Parmi les choses à noter, il y a tout d’abord le fait que le prince Jean n’existe pas dans cette version. C’est le sheriff qui espère avoir accès au trône en épousant Marianne, cousine du roi Richard. On note aussi deux nouveau personnages, tout d’abord la sorcière qui aide le sheriff dans ses plans machiavéliques. Adoratrice du diable comme on le voit surtout dans les scènes coupées, elle est vraiment très cliché. Étant donné qu’elle est censée lire l’avenir, je me suis demandée si c’était une référence à la fameuse banshee de la geste médiévale que j’ai évoquée dans l’épisode précédent. Mais, clairement, si des recherches sur les costumes notamment ont été faites pour ce film, la connaissance de la légende semble relativement limitée.
											L’autre nouveauté de ce film, vous vous en doutez c’est le personnages d’Azeem, le Maure, joué par Morgan Freeman. Azeem sert à la fois à ancrer la légende de Robin dans un autre espace géographique puisque le film commence en Terre Sainte quand Robin et Azeem se rencontrent et il constitue un contrepoint décalé aux autre personnages. Il essuie sans cesse des préjugés racistes et pourtant c’est toujours lui le plus sage. Les multiples inventions qu’il amène avec lui, parfois un peu anachroniques, rappelle que le peuple arabe était particulièrement avancé scientifiquement au Moyen Âge.
Le personnage d’Azeem s’inspire de Nasir, un sarrasin d’une série télévisée. Les producteurs du film avec Costner voulaient littéralement reprendre ce personnage, pensant que Nasir faisait partie de la légende médiévale, ce qui n’est pas le cas (quand je vous dit qu’au niveau recherches historiques, c’est pas trop ça pour ce film). Donc ils ont transformé le personnage pour ne pas risquer d’être poursuivis en justice sur des questions de droits d’auteur. Et c’est tant mieux!
Le personnage d’Azeem et l’interprétation mémorable d’Alan Rickman en shériff de Nottingham permet d’oublier certains choix scénaristiques chelous.
											Ne serait-ce que la fameuse sorcière justement, avec toute sa panoplie satanique, c’est vraiment too much! Ou bien l’exécution du père de Robin par des hommes dont le costume rappelle celui du Ku Klux Klan. Ou pire : les Celtes. Vous vous souvenez des Celtes ? Ça, j’avoue j’ai pas compris. J’ai pas compris l’introduction de guerriers celtes alors qu’on est au XIIe siècle et que les Celtes en tant que tels n’existent plus depuis le Ve ou VIe siècle (et encore, en Irlande! En Angleterre ils disparaissent bien avant). Alors est-ce une façon de faire un clin d’œil au prince Jean absent, Prince Jean qui était censé être roi d’Irlande ? Je pense que c’est un peu tiré par les cheveux. Mais ces celtes n’ont d’ailleurs rien de celte. On dirait des sortes de Vikings avec des ceintures de catch et leur chef, dans les scènes coupées (que je ne vous recommande pas), a une chauve-souris empaillée sur la tête. Je vous jure que c’est vrai!
À noter que Robin perd ici définitivement son petit chapeau, déjà absent dans La rose et la Flèche, pour un costume beaucoup plus crédible. 
En tout cas le film avec Kevin Costner a été un gros succès, à tel point qu’il a eu sa propre parodie. J’ai pas trop parlé des parodies, mais il y en a depuis les années 80, grâce notamment à la télé. La parodie la plus célèbre est celle de Mel Brooks, en 1993, intitulé Men in Tights, « Les hommes en collants », encore très improprement traduit en Sacré Robin des bois. C’est une parodie du film avec Costner mais ça ne l’empêche pas de reprendre une des grandes scènes du Robin des bois de 1938 avec Errol Flynn (eh oui, on y revient toujours !).
											Robin des bois au XXIe siècle
Le Robin des bois de Ridley Scott
Il est temps d’arriver enfin au début du XXIe siècle. Robin des bois est toujours une figure chérie du cinéma puisqu’il a déjà été adapté au moins deux fois depuis le début des années 2000 avec des versions qui tentent vraiment de s’écarter de l’histoire traditionnelle, un peu comme La rose et la flèche. Tout d’abord il y a Robin Hood, la version de Ridley Scott en 2010 avec Russel Crowe et Cate Blanchett qui se veut une sorte de prequel à l’histoire habituelle de Robin dans lequel Robin et Locksley sont deux personnes différentes, ce qui, je pense, est une première. Dans cette version, Robin s’appelle Robin Longstride, ce qui signifie littéralement « Grand pas ».
Robert Locksley, quant à lui est un ami du roi qui perd la vie juste après la mort de Richard et Robin promet à Robert mourant de ramener son épée à son père, un père qui demande à Robin de rester et de prendre la place de son fils. Peu crédible, mais bon… On ne peut pas nier qu’on est sur un scénario différent de d’habitude.
Ridley Scott aime insister sur le côté très historique de ce Robin des bois et si c’est vrai qu’il s’inspire d’une réalité historique, la chronologie est, comme La rose et la Flèche très malmenée voire complétement fausse : dans les cartons du début du film, il est quand même noté que Richard est parti 10 ans en croisade alors que la 3ème croisade n’a duré que 3 ans! La temporalité de l’histoire de Robin change aussi puisque Richard est mort depuis longtemps quand il devient un hors-la-loi
											Bref, passons. Que dire de ce Robin des bois ? Déjà, vu que c’est un prequel, il n’y a aucune des scènes habituelles ou alors sous forme de clin d’œil. Par exemple, au début du film, on voit Robin jouer au jeu du gobelet type bonneteau, vous savez ce jeu où on bouge des gobelets et où quelqu’un doit deviner sous lequel sous se trouve la balle qu’on y a cachée. Robin arrive à tromper Petit Jean, et ça finit en baston suite à laquelle ils deviennent amis, un clin d’œil au combat traditionnel au bâton entre Robin et Petit Jean. On oublie la dimension enfantine de Robin, Russel Crowe n’est pas là pour faire des acrobaties dans les arbres. Par contre, dans ce film il y a vraiment des enfants qui vivent dans la forêt de Sherwood. On note aussi une plus grande place occupée par le personnage de Marianne, jouée par Cate Blanchett. Depuis quasiment le début des aventures de Robin des bois au cinéma, on sent bien que les réalisateurs ont galéré pour éviter le syndrome de la Schtroumpfette, Marianne étant toujours le seul personnage féminin important même si des efforts ont été tenté pour développer le personnage de la suivante ou, pour le Robin des bois avec Costner par exemple, par la création d’autres personnages féminins comme la femme de Petit Jean. Dans le film de Ridley Scott, Marianne est bien une Schtroumpfette, (mise à part les quelques brèves apparitions de la reine Aliénor et d’Isabelle d’Angoulême, la femme du Prince Jean) mais Marianne s’est cependant modernisée, elle se transforme de manière un peu opportuniste en chevaleresse à la fin du film dans une bataille visuellement improbable lors de laquelle les français débarquent en Angleterre avec les mêmes bateaux que ceux des alliés lors du débarquement en Normandie.
Improbable, je vous dis.
											Un film pour ados: le Robin des bois de 2018
Le dernier film – à ma connaissance – est le Robin des bois de 2018, bien plus improbable, réalisé par Otto Bathrust avec notamment Taron Egerton, qu’on a pu voir dans Kingsman, et Jamie Foxx. Clairement c’est un film qui s’attache à moderniser le mythe, peut-être un peu trop. Le film se passe à une époque indéterminée bien qu’il y ait des croisades, des chevaux, des arcs et des épées mais il emprunte un vocabulaire qui nous fait croire qu’il se passe aussi à notre époque, avec des costumes qu’on ne rechignerait pas à porter aujourd’hui genre des vestes en cuir ou des crop tops, mais aussi et surtout des armes improbables comme des arbalètes mitrailleuses, ou des bazookas à flèches. Les pauvres gens ne travaillent dans les champs mais dans les mines et, grande avancée, Petit Jean est noir, une idée originale même si, malheureusement, le scénario qui explique sa présence tient sur un timbre-poste. On a le même problème avec le personnage de Will Scarlett qui, attention spoiler finit par devenir le sheriff de Nottingham. À trop vouloir renouveler la légende, on finit par carrément la dénaturer. En fait, ce film est un mélange entre un Robin des bois classique, Matrix, Fast & Furious, sur fond de misère sociale à la Germinal mais avec une esthétique de jeux vidéo à la Assassin’s Creed. Le public visé est clairement plus jeune que le public habituel et franchement, c’est dommage que le scénario soit aussi mauvais parce qu’il y a des choses intéressantes comme l’utilisation récurrente de la capuche comme signe de ralliement, même si c’est un peu ridicule de clouer des capuches aux murs comme dans le film. Effectivement, Robin a retrouvé sa capuche depuis quelques films déjà. Ces dernières années, le personnage de DC Comics Green Arrow, directement inspiré de Robin des bois et qui, lui aussi, porte une capuche, a sans doute poussé les réalisateurs à mettre en avant cet élément du costume traditionnel de Robin des bois. 
Plus globalement, la capuche, à notre époque fait référence au sweat à capuche porté majoritairement par les classes populaires et peut parfois servir de références aux émeutes sociales de cette même classe populaire. De fait, dans le film de 2018, il y a un lien très clair avec la problématique des émeutes à caractères social. Ce n’est pas pour autant que je vais vous conseiller ce film, trop improbable à mon goût et qui réduit Marianne, seul personnage féminin du film, à ses grands yeux et son très profond décolleté…
											Robin des bois et la politique
Le nationalisme chez Robin des bois
Pour terminer j’aimerais revenir rapidement sur l’utilisation politique du personnage de Robin des bois. On l’a vu, le thème des Normands qui asservissent les Saxons a été souvent repris. Si les États-Unis s’en sont un peu éloignés quand ils s’emparent cinématographiquement du personnage, ils en conservent toutefois l’idée générale c’est-à-dire des envahisseurs arrogants et un peuple indigène opprimé, ce qui est assez ironique quand on connaît l’histoire des États-Unis. Le thème de la réconciliation des peuples autour du roi Richard correspondait bien aussi au thème du melting pot cher à l’Amérique du Nord. 
Le thème nationaliste est cependant revenu dans les années 90. Il y a en effet un autre Robin des bois qui est sorti sur les écrans à cette période, en 1995 précisément. Réalisé par John Irvin, il reprend l’idée (fausse) d’un Robin saxon contre les Normands. 1995, c’est aussi la sortie de Braveheart, de et avec Mel Gibson sur l’histoire du libérateur de l’Écosse sur fond, également, de révolte ethnique, un film qui fait la part belle au thème du nationalisme. Quel rapport avec Robin des bois ? Eh bien, Mel Gibson, pour ce film, a emprunté plusieurs éléments à la légende de Robin des bois : William Wallace est proscrit et démocratiquement choisi par ses pairs ; tout comme le Robin anobli, il a ses entrées chez ses ennemis et, tout comme Robin considère le prince Jean comme un usurpateur, le roi Edouard Ier est montré comme tel puisque celui-ci a déposé le roi considéré légitime. Mel Gibson a ajouté une motivation privée à son héros, la même, en partie, que le Robin des bois joué par Kevin Costner : la vengeance du père. Bon, par contre Braveheart est ce qu’on appelle une uchronie, c’est-à-dire que ce film récrit l’Histoire : les vaincus sont montrés comme vainqueurs.
											Robin des bois communiste?
Bref, on a vu au fil de l’épisode que derrière la légende de Robin, le cinéma cachait parfois des messages à tendance politique en fonction du contexte historique des tournages. Mais le personnage de Robin des bois est finalement assez peu récupéré politiquement et on peut s’en étonner. Un gars qui vole aux riches pour nourrir les pauvres paraît être du pain béni pour le Communisme par exemple ou, plus globalement, pour les mouvements de gauche. D’ailleurs, le premier historien du XXe siècle à avoir étudié Robin était marxiste : il s’appelait Rodney Hilton. En fait il y a bien eu des théories marxistes sur Robin des bois mais elles ne tiennent pas la route parce que Robin veut restaurer l’ordre social et non pas le bouleverser. Robin, encore une fois, est légitimiste : quand l’autorité supérieure est de retour, il rentre dans le rang. C’est sans doute pour ça qu’il n’a pas eu beaucoup de succès en Russie! Après, c’est aussi une question de point de vue puisque certains livres sur Robin des bois ont failli être bannis des écoles d’un district des États-Unis parce que jugés trop communistes. 
On trouve un Robin beaucoup plus révolutionnaire dans la BD, par exemple sous le crayon de Calvo en 1939 qui fait référence, à travers sa bd, à la France occupée, ce même Calvo qui est l’auteur de Que la bête meure à la gloire de la Résistance.
											 Pfiou, ça y est, on est arrivé au bout ! Mais quelle leçon tirer de tout ça ? 
Finalement, on peut dire que Robin des bois a bon dos. Derrière ce petit archer anglais devenu un véritable archétype entre les mains de Walter Scott largement aidé en cela par la suite par le cinéma, se cache un personnage ambivalent, à la fois fidèle au pouvoir en place et symbole de révolte. C’est une figure très pratique derrière laquelle on peut mettre un peu ce qu’on veut et derrière laquelle on a mis qui on voulait comme par exemple le bandit Jacques Mesrine qui était surnommé Le Robin des bois français alors qu’il n’y a pas vraiment pas de comparaison possible. 
Le mythe de Robin des bois nous parle de la façon dont nous sommes reliés à notre environnement et laisse fantasmer une résolution des conflits sans besoin de changements structurels. Bandit tout court dans les textes médiévaux et bandit au grand cœur d’Hollywood, il reste toujours ce qu’on appelle un héros liminal entre respect de l’ordre établi et transgression. Il représente aussi et surtout un idéal de solidarité et de révolte contre des règles ressenties comme oppressives, une sorte de mythe anti-autoritaire qui nous rappelle qu’il y a toujours moyen de lutter pour rétablir un monde plus juste et je pense que c’est là, la leçon de cette légende transformée au fil des siècles, une leçon bien d’actualité.
Crédits:
Extraits de films et de séries :
- Les aventures de Robin des bois (Michael Curtiz)
 - La rose et la flèche (Richard Leister)
 - Robin des bois (Disney Studio), 1973
 - Robin des bois, prince des voleurs (Kevin Reynolds), 1991
 
Musiques utilisées dans l’épisode:
- Maid Marian (Michael Kamen)
 - Sports music (Nick Valerson)
 - Epic cinematic trailer (Maryan Bembitskyi)
 - Firebird feather
 - Old story from Scotland (Onoychenko)
 - For the love of Guivenere (Tokyo Rifft)
 - Deep in the dell (Geoff Harvey)
 - Behind th sword (Kevin MacLeod)
 - Timeless campfire (Peter Barbaix)
 - Robin Hood (1922) – Silent score live (John Scott with the Royal Philarmonic)
 - Main title (Erich Wolfgang Korngold)
 - Love scene (Erich Wolfgang Korngold)
 - The poor people (Francis Cabrel)
 - Yonder hill and dale (Aaron Kenny)
 - The adventures of Robin Hood
 - Leo delibes (Jérôme Chauvel)
 - Thierry la frondey (Jacques Loussier)
 - Astérix le gaulois (Gérard Calvi)
 - Whistle stop (Roger Miller)
 - Second love theme (John Barry)
 - Marian at the waterfall (Michael Kamen)
 - Sherwood forest (Marc Streitenfeld)
 - The bridge of Khazad Dum (Howard Shore)
 - Rob inspired (Joseph Trapanese)
 - End title (Marc Streitenfeld)
 - The legend begins (Marc Streitenfeld)
 - Merry men (Marc Streitenfeld)
 
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